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Corrida

 

Le terme corrida désigne la course de taureaux telle qu'elle se pratique principalement en Espagne, Portugal, France et certains pays d'Amérique latine. Au cours d'une corrida, six taureaux sont généralement combattus et mis à mort par des matadors, aidés de peones et de picadors. Le combat a lieu dans des enceintes fermées (place des taureaux), sur des pistes de forme généralement circulaires et recouvertes de sable.


Le sorteo

La corrida du jour commence en fait dès midi avec le sorteo, qui consiste en une répartition par tirage au sort des taureaux entre les matadors. Il a lieu en présence du président de la corrida et d'un représentant de chacun des trois matadors, lesquels ont au préalable inspecté les taureaux, puis formé de concert les lots en essayant de répartir les taureaux le plus équitablement possible en fonction de leurs facilités ou difficultés supposées. Les numéros des taureaux sont inscrits par paires sur de petits papiers (traditionnellement du papier à cigarettes) par le représentant du plus ancien des matadors ; les papiers sont ensuite roulés en boule par le représentant du matador le plus jeune, puis mis dans le chapeau du mayoral recouvert d'un journal. Chacun tire alors une boule par ordre d'ancienneté, le représentant du matador le plus ancien en premier. Chaque matador décide ensuite de l'ordre de sortie des deux taureaux qui lui ont été attribués.


Le paseo

La corrida en elle-même commence par le paseo, défilé de tous les participants. Le président présente d'abord un mouchoir blanc pour que le cortège (précédé par les alguaziles) puisse débuter aux accents d'un pasodoble. Au premier rang, les trois matadors, classés par ordre d'ancienneté (de gauche à droite). Les toreros sont coiffés de la montera, sauf s'il se présente pour la première fois dans l'arène, auquel cas il avance tête nue. Derrière eux suivent les peones puis les picadors, également classés par ancienneté. Viennent ensuite les areneros ou monosabios, employés des arènes dont la fonction est de remettre en état la piste entre deux taureaux. Et enfin le train d'arrastre, attelage de mules chargé de traîner la dépouille du taureau hors de l'arène.


La lidia

Arrive l'heure du combat, en espagnol lidia.
Une corrida formelle comprend en principe la lidia de six taureaux. Pour chacun d'entre eux, la lidia se déroule selon un protocole immuable, décomposé en trois parties appelées tercios, que fait respecter un représentant de l'autorité (président) dont la charge est de veiller à ce que le combat suive les lois établies.

Le président ordonne le passage d'un tercio à l'autre, qui est annoncé par un coup de clarines. Quand un taureau sort du toril dans l'arène (el ruedo), celle-ci est déjà occupée par les hommes de la cuadrilla du matador à qui revient l'honneur de le combattre et de le tuer.


Premier tercio : le tercio de pique

Après la sortie du taureau, le matador et ses peones effectuent des passes de capote (pièce de toile de couleur lie de vin à l'extérieur et jaune à l'intérieur) qui sert de leurre. Ces premières passes de capote permettent au matador d'évaluer le comportement du taureau. Il est aidé par les peones qui appellent le taureau à tour de rôle et l'attirent vers les différents points de l'arène, l'incitant à courir en ligne droite et à aller au bout de sa charge. Puis le matador effectue lui-même quelques passes de capote afin de compléter son étude du taureau.

Il existe une multitude de passes de capote. La plus fréquente, mais aussi la plus belle, est la véronique dans laquelle le torero présente le capote tenu à deux mains, face au taureau, en faisant un geste similaire à celui que, selon l'imagerie traditionnelle, fit sainte Véronique en essuyant le visage du Christ en route pour le Calvaire. Il existe également la demi-véronique, inventée par Juan Belmonte, la chicuelina (inventée par Chicuelo), la gaonera (inventée par Rodolfo Gaona), la mariposa("papillon").

Après ces premiers échanges arrive le tour des piques. Son rôle est de tester la bravoure du taureau à l'aide de sa pique,lance en bois de hêtre ou de frêne de 2,60 mètres de long terminée par une pointe d'acier, la puya, en la plaçant dans le morillo, bosse musculaire tout près des épaules qui fait saillie sur le cou du taureau et qui se dresse lorsque l'animal est irrité. La blessure de cet aiguillon qui affaiblit l'animal le rend en même temps fort belliqueux.

En principe, il est appliqué deux piques minimum (il n'y a pas de maximum), mais en cas de taureau faible, le président peut réduire ce nombre à une seule. Lorsque par chance, le taureau fait preuve d'une bravoure exceptionnelle, une pique supplémentaire est parfois donnée avec le regatón (le picador prend sa pique à l'envers, et pique avec l'extrémité du manche).

Souvent, la charge du taureau contre le cheval démonte le picador, l'envoyant rouler vers le sol. Le matador doit se trouver à proximité de manière à pouvoir, avec son capote, détourner le taureau et l'éloigner du picador tombé, en danger d'être chargé. On dit que le matador a donné le quite (parade).


Deuxième tercio : le tercio de banderilles

Le deuxième tercio consiste à poser les banderilles, bâtons d'environ 80 cm de long terminés par un harpon de 4 cm de long et recouverts de papier de couleur. Les banderilles sont généralement posées par les peones , mais certains matadors les posent eux-mêmes, parfois à la demande du public (si le maestro accepte, la musique exécute un pasodoble en son honneur, souvent une jota).

En principe, il est posé trois paires de banderilles. Toutefois, le président de la course peut décider d'en réduire le nombre ; le matador peut demander au président l'autorisation que soit posée une quatrième paire.

Dans le cas d'un taureau franchement manso (sans bravoure), en particulier un taureau qui a refusé toutes les piques et a fui les appels faits à la cape, le président peut décider de lui faire poser des banderilles noires, dont le harpon est légèrement plus long et qui sont une marque d'infamie pour l'éleveur.

 

Troisième tercio : le tercio de mise à mort

Le maestro prend la muleta (leurre en tissu rouge qui pend à un court bâton qu'elle recouvre) et l'estoque (épée étroite qui ne peut blesser que par la pointe) qui lui tend son valet (mozo). Le matador se tourne alors vers la présidence et lui adresse quelques mots pour lui faire offrande du taureau qu'il va tuer (le brindis). Il peut aussi dédier cette mort prochaine à quelque personnage marquant dans le public ou à un ami. Le torero lui envoie sa montera, la personne honorée la lui rendra à la fin du combat.

Parfois, le matador fait le brindis au public :il va alors au centre de la piste, puis fait un tour complet sur lui-même, tenant sa montera à bout de bras. Puis il la jette négligemment par-dessus son épaule et n'a plus qu'à s'avancer vers le taureau. Si la montera tombe à l'endroit, c'est bon signe ; si elle tombe à l'envers, c'est mauvais signe, aussi, parfois le matador la pose délicatement au sol, afin d'être sûr qu'elle soit dans le bon sens.

Tenant la muleta de la main gauche et l'estoque de la droite, le matador avance vers le taureau, souvent au paroxysme de la fureur. La faena de muleta (travail à pied du matador pour préparer le taureau à la mort) peut commencer. Provoqué par les mouvements de la muleta, le taureau charge pour frapper de ses cornes mais le torero l'esquive grâce à la muleta et le fait passer à plusieurs reprises, le plus près possible de lui, s'efforçant de donner à ses mouvements tout l'art et l'élégance souhaitables.

À l'origine, la faena de muleta se limitait à quatre ou cinq passes ; aujourd'hui, le matador qui en ferait si peu déclencherait une énorme bronca ! Tout comme celles de capote, les passes de muleta sont innombrables : la "naturelle", la "passe de poitrine", le "derechazo", la "passe de poitrine de la droite" , les "passes aidées", la "bandera", le "molinete", l'"orticina", la "manoletina" (attribuée à Manolete), etc.

Quand le maestro pense qu'il a suffisamment maîtrisé le taureau de sa muleta, il l'arrête pour l'estocade, à l'aide de l'épée.

Elle fut longtemps l'acte principal de la corrida, celui par lequel le matador (tueur en espagnol) montrait son adresse et sa bravoure. Même si le taureau est blessé et fatigué, c'est un moment des plus dangereux car, selon les canons de la corrida, le matador doit porter l'estocade de face, se présentant ainsi dans le berceau des cornes du taureau.Ce moment ("entrar a matar"), le plus émouvant de la course, met en relief toutes les qualités de sang-froid et d'habileté du torero, aussi est-il appelé "le moment de vérité".

Quand bien même, les évolutions de la corrida contemporaine ont donné une importance accrue à la faena de muleta, l'estocade reste le point culminant d'une corrida et le moment qui détermine, du moins dans les arènes de qualité, l'attribution ou non de trophées au matador.

Il existe plusieurs manières de porter l'estocade. Les trois principales sont :
> la plus fréquente : "al volapié". Le taureau est immobilisé, le matador se "jette" sur le taureau pour l'estoquer.
> la plus difficile, la plus méritoire et… la moins employée : "a recibir". Le matador reste immobile, il déclenche la charge du taureau et l'estoque. Paquirri et Paco Camino estoquaient souvent de cette manière, aujourd'hui, Juan Bautista le fait régulièrement.
> l'intermédiaire : "al encuentro". Chacun des deux fait la moitié du chemin.

L'estocade doit se faire dans la "croix", zone de quelques centimètres carrés située à hauteur du garrot, entre la colonne vertébrale et l'omoplate droite. Le matador peut cependant, en s'engageant davantage, placer son épée sur le côté gauche de la colonne vertébrale ; l'estocade est alors dite "contraire". On ne peut toutefois juger de la valeur de l'estocade en se référant à son seul emplacement ; la qualité d'une estocade dépend avant tout de manière dont celle-ci a été portée : le matador a-t-il cité le taureau de près ?, est-il allé droit au taureau ?, en corto y por derecho (court et droit) ?, a-t-il décomposé ses gestes ?,  a-t-il basculé au ralenti par-dessus la corne droite pour sortir le long du côté du taureau ? Si oui, il a réalisé une grande estocade. Est-il passé très vite en cachant la tête du taureau à l'aide de sa muleta ? Même si l'épée est bien placée, il s'agit là d'une estocade plus habile que bien portée.

Parfois, après l'estocade, le taureau tarde à s'écrouler. Le matador doit alors descabeller : il plante une épée spéciale (verdugo) entre la base du crâne et le début de la colonne vertébrale, au même endroit que celui où le puntillero plantera sa puntilla.

Si, malgré ses efforts, un matador n'arrive pas à donner la mort à son taureau après le temps réglementaire, le président ordonne qu'on évacue de l'arène le taureau encore vivant et le combat cesse : "jeter le taureau à l'étable" est l'affront le plus terrible que puisse recevoir un matador de taureaux.

Après l'estocade (et éventuellement après le descabello), le coup de grâce est donné par l'un des peones (appelé puntillero) à l'aide d'une puntilla, poignard à lame courte et large, plantée entre la base du crâne et le début de la colonne vertébrale, afin de détruire le cervelet et le début de la moelle épinière.

Une fois le taureau mort, on procède à l'enlèvement ("arrastre"), c'est-à-dire qu'on le sort de l'arène en le tirant sur le sable.

Quand le matador a fini de saluer, il ne reste plus au président qu'à sortir son mouchoir blanc afin d'ordonner l'entrée en piste du taureau suivant. Avant cela, les aficionados voulant manifester leur satisfaction agitent un mouchoir (traditionnellement blanc) pour réclamer au président une récompense pour le matador (oreilles, queue).

En cas d'ovation, le matador fait un tour de piste (vuelta al ruedo), à l'occasion duquel les spectateurs lui envoient fleurs, chapeaux, châles, éventails. Le matador garde les fleurs mais renvoie les objets personnels.

En fin de corrida, les matadors quittent l'arène l'un après l'autre, par ordre d'ancienneté. Si l'un d'entre eux a été particulièrement brillant, il sortira a hombros, sur les épaules de ses admirateurs. Peut-être - récompense suprême - sera-t-il autorisé à sortir parla Grande Porte. À Séville, il devra pour cela avoir coupé trois trophées (soit trois oreilles, ou deux oreilles et une queue) au minimum ; à Madrid, deux trophées suffiront (étant généralement admis que si une seconde oreille madrilène et une seconde oreille sévillane pèsent approximativement le même poids, la première oreille madrilène pèse beaucoup plus lourd que la première oreille sévillane) ; ailleurs, c'est selon le sérieux de l'organisation, le niveau d'exigence et de compétence du public, les coutumes locales, etc.

Si le taureau a été exceptionnellement bon, le président pourra lui accorder à lui aussi une vuelta al ruedo en présentant un mouchoir bleu. Et s'il a été plus qu'exceptionnellement bon, le président pourra, avant l'estocade, ordonner sa grâce (indultado) en présentant un mouchoir orange. Dans ce cas, l'estocade est simulée, le matador posant le plat de la main sur le dos du taureau, à l'emplacement où en principe, l'épée devrait pénétrer.

 

Pour aller plus loin

- "Philosophie de la corrida" de Francis Wolff, Paris : Fayard, 2007, collection "Histoire de la Pensée".

- "Mort dans l'après-midi", Ernest Hemingway, 1932, publié en France par Gallimard, collection Folio. Considéré comme une véritable « bible de la tauromachie » et l'invention d'un nouveau réalisme.

- "L'été dangereux", Ernest Hemingway, 1960, publié en France par Gallimard, collection Folio. Un an avant de se donner la mort, Hemingway suit, tout un été, en Espagne, l'affrontement de deux grands matadors : Dominguín et Ordóñez.

-  "L'aficionado", Camilo José Cela, Verdier, 1992, les principaux textes taurins du prix Nobel de littérature espagnol, amoureux du toreo de salon

- "Recouvre-le de lumière", Alain Montcouquiol, Verdier, 1997. Un ouvrage poignant écrit par l'ancien matador Nimeño I, apoderado de son frère Christian Nimeño II, qui après avoir été grièvement blessé par un taureau de Miura et gardé un bras paralysé, se suicida. Ce texte fut joué par Philippe Caubère en 2003.

- "Chroniques de sable", Jacques Durand, Atlantica, 2000, textes et récits du chroniqueur taurin du journal Libération.

- "Curro, Romero y Curro Romero", Francis Marmande, Verdier, 2001, Un livre sur le célèbre Curro Romero, le Pharaon de Séville, qui toréa jusqu'à l'âge de 66 ans, suscitant l'extase et l'exaspération des aficionados.

- "Manolete, le calife foudroyé", Anne Plantagenet, Ramsay, 2005. Le destin d'un « révolutionnaire » de la corrida.

- "Le Mythe du Taureau", André Viard, 1996 essai littéraire prix des Universitaires d'Aquitaine.

- "Comprendre la corrida" 2000, éd. Atlantica.

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